Récit de la Plongée que Pipin a réalisé en hommage à Audrey
Ecrit par la Mère d'Audrey, Anne-Marie Mestre
12
Octobre 2002 – 12 Octobre 2003. Il nous a fallu un an pour passer du jour
le plus triste de notre vie à un jour de « bonheur ».
Depuis ce jour fatidique, Pipin a pris la décision de rendre hommage à Audrey, sa femme, notre fille unique, disparue tragiquement en République Dominicaine. Cet hommage il le veut à la hauteur de leur amour pour la mer, mais aussi de leur amour l’un pour l’autre, tout simplement.
Il nous parle rapidement de ce besoin de descendre à moins 170m. Nous essayons de l’en dissuader, il est trop tôt pour prendre ce genre de décision, on veut qu’il réfléchisse, il n’y a aucune nécessité à recommencer à vivre de tels moments, rien n’y fait, plus le temps passe, plus il est sûr de lui, de ce qu’il veut faire, de cet évènement qu’il va préparer jour après jour pendant toute cette année.
Je suis allée deux fois lui rendre visite quelques jours, à Miami, je l’ai trouvé serein. Nous avons eu l’occasion de beaucoup discuter de ce projet, je l’ai vu s’entraîner au cours de mes séjours, tous les jours plus d’une heure.
Assise, silencieuse, je le regarde et je revis les entraînements d‘Audrey, toutes ces heures dédiées à la musculation, à la concentration, tous ces exercices exécutés en apnée. Pipin est là, face à moi, une musique douce accompagne ces mouvements, il ne ralentie pas le rythme, rien ne vient le déconcentrer, il y met toute sa force.
Quand
je ne suis pas à Miami, nous échangeons un courrier journalier par Internet ou
nous nous appelons par téléphone, souvent le soir pour que Jean-Pierre (mon
mari) puisse lui aussi participer à cet échange de communication.
Pendant nos vacances en France, nous n’abordons pas le sujet du record de Pipin. Il y a eu plusieurs dates d’arrêtées avant celle là, entre autres, celle du 25 mai, jour de la fête des Mères en France, puis le 11 août, jour anniversaire d’Audrey, enfin le 12 octobre pour les un an de sa disparition, tant que tout n’est pas en place, la date peut être remise en question.
Je ne veux pas en parler, je suis assez superstitieuse, même si je sors le 13 et si je peux passer sous une échelle sans problème, il y a d’autres choses qui m’affectent. Jean-Pierre en parle tout de même à mon Père, mais cela ne m’inquiète pas, je sais qu’il va être discret. Les autres personnes qui seront au courant, le seront pas Internet qu’elles consultent régulièrement, mais chacun respectera ma décision de ne pas aborder le sujet.
Une fois de retour à Mexico nous parlons tous les soirs avec Pipin par téléphone, voir deux fois par jour. Nous n’irons pas assister à l’évènement à Cabo San Lucas, ce serait trop dur et trop éprouvant émotionnellement, nous avons vécu tant de bons moments ensemble là-bas, mais nous allons être prêt de lui par la pensée, à chaque seconde.
Nous
vivons les derniers préparatifs toujours par téléphone. Plus le jour approche,
plus Pipin est calme, c’est tout au moins ce que l’on ressent, nous, au son
de sa voix, peut être que sur place il n’en est rien. Il sent Audrey à ses côtés
à chaque plongée et moi je rêve d’elle, en combinaison de plongée jaune,
faisant des pirouettes sous l’eau, je sais qu’elle l’accompagne dans tout
ce qu’il fait.
La veille nous discutons avec lui, il est dans sa chambre d’hôtel, il se repose, il veut être fin prêt pour la journée du lendemain, Je lui redis combien il compte pour nous et Jean-Pierre lui fait promettre de tout annuler si le plus petit incident se produit. Pipin le rassure, tout va aller bien, Jean-Pierre insiste et Pipin promet, de toute façon il appellera dès que tout sera terminé.
Nous voulons faire du 12 une journée comme une autre, nous ne voulons pas de cette angoisse qui malgré tout à pris possession de notre corps.
Pipin appelle, il est trop tôt pour que tout soit déjà fini, c’est moi qui ait décroché, il me dit qu’il y a un petit incident, que la plongée est retardée, il devrait descendre dans deux heures. Je lui dis que c’est d’accord, qu’on attend son appel, on ne bouge pas de la maison, a Jean-Pierre je dis seulement que la plongée va se faire plus tard, je ne veux pas l’angoisser inutilement.
Une
heure passe et le téléphone sonne, c’est Jean-Pierre qui décroche cette
fois ci, au bout du fil Pipin, il vient de remonter sur le bateau, il a réussi.
Jean-Pierre lui fait répéter deux ou trois fois ce qu’il vient de dire, il
veut être sur de bien comprendre que tout est fini, que les 170 mètres ont été
atteint, que Pipin va bien, il le félicite et me le passe. Je le félicite à
mon tour, je suis heureuse pour lui,
mais aussi pour Audrey, elle méritait un tel hommage.
Je ne sens pas dans la voix de Pipin cette joie qui éclatait avant, quand il tenait un nouveau record entre ses mains, il me dit simplement « Maman c’est fini, j’ai réussi, je l’ai fait pour elle, elle était là, prêt de moi, j’ai senti sa main sur mon épaule durant toute la plongée, maintenant je peux me reposer ».
On s’est rappelé plus tard à l’hôtel et on s’est vu le lundi à l’aéroport de Mexico alors qu’il était en transite pour Miami. Nous avons pu le prendre dans nos bras, le féliciter de la part de toute la famille de France qui avait été enfin avertie, de la part de tous les amis français et mexicains qui ont su la nouvelle par la télévision.
Pipin a repris le chemin de sa maison où l’attendent ses chiens, deux Rotweillers, Boo et Adyss, ses fidèles compagnons.